Voici la réalité du moment :
Une nuée de monstrueux camions gros comme des maisons parcourent sans relâche la plus grande mine de charbon à ciel ouvert de Chine à Jungar Qi, soulevant des nuages de suie en déversant leur chargement. Combustible de la Révolution industrielle, le charbon retrouve une deuxième jeunesse dans le monde, profitant des prix élevés du pétrole et du gaz malgré son impact négatif sur l'environnement. Et c'est en Chine que cet essor est le plus spectaculaire.
A Jungar Qi, la mine a transformé cette localité autrefois isolée de Mongolie intérieure en une ville champignon de 300.000 habitants. Jour et nuit, son charbon est acheminé vers les centrales électriques et les usines de l'est du pays, contribuant ainsi à alimenter la formidable croissance chinoise.
Mais cette industrie à un coût humain et environnemental. En moyenne, 13 mineurs chinois meurent chaque jour dans des explosions, inondations, incendies et effondrements de galeries. Des nuages toxiques de mercure et d'autres produits chimiques issus de l'exploitation du charbon polluent l'air et l'eau bien au-delà des frontières de la Chine, contaminant la chaîne alimentaire.
Et le charbon "propre" n'est pas pour demain. Les technologies pour réduire les émissions de carbone liées à cette industrie sont chères et ne seront pas utilisées à une échelle commerciale avant des années. "Peu de gens parlent des conséquences" souligne James Brock, consultant à Pékin du cabinet Cambridge Energy Research Associates. "Les ours polaires sont condamnés. A la fin du siècle, la calotte glaciaire de l'Arctique aura disparu, ce qui signifie" une forte élévation du niveau de la mer.
Le charbon est brûlé depuis des temps très anciens, mais sa consommation a explosé durant la Révolution industrielle dont il a été un élément essentiel. La demande mondiale a baissé à la fin du 20e siècle, mais est désormais à la hausse et devrait augmenter de 60% d'ici 2030, à 6,9 milliards de tonnes par an, selon l'Agence internationale de l'énergie.
Aujourd'hui, l'essentiel du charbon sert à alimenter des centrales électriques. Dans des pays en développement comme l'Inde, la Chine et en Afrique, c'est une source d'énergie de base.
Aux Etats-Unis, on envisage de construire 150 nouvelles centrales au charbon d'ici dix ans, et en Chine, il ne se passe quasiment pas une semaine sans que l'on projette d'en mettre une nouvelle en service. Les émissions de ces centrales pourraient à elles seules compenser la baisse des rejets de gaz à effet de serre (GES) obtenue grâce au protocole de Kyoto, selon le Centre international Woodrow Wilson à Washington.
Le charbon est au coeur du système énergétique chinois, alimentant notamment Shanghaï, la plus grande ville du pays et même la ligne de l'ultramoderne train à sustentation magnétique Maglev. Premier producteur et consommateur mondial de charbon, la Chine en a extrait 2,4 milliards de tonnes en 2006, un chiffre en hausse de 8,1% sur un an.
Mais cela ne suffit pas à satisfaire le gargantuesque appétit de son économie, en croissance de plus de 10 points par an. Pour la première fois, la Chine est devenue cette année un importateur net de charbon. Aux Etats-Unis, la production a atteint un record l'an dernier avec 1,2 milliards de tonnes et devrait augmenter de 50% d'ici 2030, selon les projections du gouvernement américain.
Le charbon est l'énergie fossile la plus abondante de la planète, avec des réserves qui ne devraient pas être épuisées avant 250 ans, soit un délai bien plus long que pour le pétrole. Pendant plusieurs années, le gaz naturel, plus propre, était apparue comme une solution alternative intéressante. Mais la hausse de son prix et les inquiétudes sur la stabilité des livraisons en provenance de Russie et du Moyen-Orient ont modifié cette perception.
La plupart des experts estiment que le charbon est encore là pour longtemps malgré son coût pour l'environnement et la santé publique. "Il y a un avenir pour le charbon", souligne Milton Catelin, directeur général de l'Institut mondial du charbon, une association d'entreprises charbonnières basée à Londres. "Les pays en développement devront en utiliser, ils ont besoin d'énergie bon marché pour avancer."