Un jeune courbaril qui avait survécu à une invasion humaine trônait majestueusement au milieu d’un champ d’immeubles. Il était le seul rescapé d’un petit bois qui abritait une faune nombreuse et variée.
Le miraculé qui ne s’expliquait toujours pas sa survie avait du, cependant, surmonter l’épreuve et combattre la solitude. Le temps passant il avait fini par accepter son sort et s’était même fait de nouveaux amis. Les enfants du quartier venaient souvent jouer, à l’ombre de ses branches feuillues. Il avait si bien appris à les aimer qu’il ne pouvait même plus se passer d’eux et souffrait de leur absence durant les jours d’école.
Ce premier matin du mois de juillet qu’il adorait parce qu’il ouvrait la porte aux grandes vacances, le soleil se leva de bonne heure inondant la terre d'un déluge de lumière et de vie. Le courbaril, en pleine croissance, déploya ses feuilles pour mieux recevoir cet élixir matinal. Après tout, pensa-t-il, il n’était pas si malheureux dans sa nouvelle existence. Pour faire passer le temps qui le séparait de ses petits compagnons, il suivait le mouvement de l’astre dans sa marche diurne sur la voûte céleste.
En milieu de matinée, l’atmosphère s’alourdit d’un bruit qui vint s’ajouter à la cacophonie humaine. Il pensa un instant à ses petits protégés mais du, très vite, déchanter. A la place de la marmaille, il vit arriver un groupe d’hommes armés d’outils qui ne laissaient présager rien de bon sur leur intention. Tandis qu’autour de lui quelques uns érigeaient une barrière comme pour délimiter un périmètre funéraire, deux autres s’approchèrent de plus près. Après s’être consulter l’un d’entre eux, muni d’un marteau, frappa trois petits coups sec sur son épais tronc, comme pour évaluer sa robustesse. Ils se parlèrent à nouveau avant de se retirer pour laisser la place à un exécuteur brandissant une trancheuse d’arbre.
Le bruit et la fumée l’enveloppèrent tandis que des dents d’acier s’enfonçaient dans sa chair fibreuse, juste au-dessus de ses racines. La lumière du jour peu à peu, se transforma en ténèbre et le ciel lui-même s’obscurcit avant de se retirer. Tandis que son corps massif s’allongeait au sol, dans un bruit assourdissant, son ultime plainte, une pensée lui traversa l’esprit, celle des enfants qui n’auraient plus d’arbre pour les abriter.
Peu de temps après sa disparition, un nouvel immeuble sortit de terre et s’éleva à la place qu’il avait occupée.